Une réflexion sur Rise of the Tomb Raider
Il n’y a pas si longtemps, je me suis trouvé – par pur désoeuvrement, il faut le croire – à tenter de compléter un jeu déjà terminé. Un non-sens, dites-vous? Non, puisque ce jeu, RISE OF THE TOMB RAIDER (RotTR), s’inscrit dans la lignée de ceux qui n’en finissent plus de finir, longtemps après avoir bouclé leur histoire. Voyez-vous, bien que les cités perdues ont été retrouvées, les secrets enfouis exhumés et les méchants fanatiques remis à leur place, il n’en reste pas moins que le jeu me narguait d’un médiocre 76% de complétion, et ce, après le boss final, le générique et l’épilogue.
76%. Je dis à mon fils qu’il aurait pu fournir un effort de plus quand il me revient de l’école avec 76%. Non, mon instinct perfectionniste exigeait que je pète le 90 au moins.
Et pourtant, au fur et à mesure que j’exécutais les besognes requises pour obtenir un score plus seyant à mon orgueil, j’en retirais de moins en moins de plaisir. En fait, pour vous dévoiler la formule mathématique exacte, mon engouement pour RotTR diminuait de façon inversement proportionnelle à la conscience que j’avais de ne rien foutre de signifiant.
Absolument rien.
À quoi bon trouver toutes ces caches de survie, toutes ces pièces anciennes, toutes ces boîtes de matériaux, toutes ces fresques, tous ces piliers, toutes ces reliques, tous ces documents? À quoi bon accomplir toutes ces missions, améliorer toutes ces armes, piller tous ces tombeaux et profaner toutes ces cryptes? À quoi bon – voulez-vous bien me dire – se fendre le fondement à faire tout ça si ça n’a, au final, aucun impact sur quoi que ce soit dans le jeu?
« Rhâââlala, mais quel sale rabat-joie! vous entends-je ruminer du haut de votre hypothétique tribune. Pourquoi ça devrait servir à quelque chose? C’est juste un jeu! Le but c’est de s’amuser. Après tout, au prix où sont rendus les jeux, on en veut pour notre argent! »
Ah oui. Le fameux argument monétaire: le consommateur a droit à 80$ de jeu.
Si vous le voulez bien, comparons avec le succès d’il y a deux ans, TOMB RAIDER (TR), le reboot qui ramenait Lara Croft à ses modestes origines de jeune archéologue un peu paumée, un peu couvée. Le rythme était soutenu, les mécaniques de jeu étaient diversifiées et l’histoire présentait une évolution intéressante, avec des enjeux toujours de plus en plus élevés, menant à une résolution explosive et satisfaisante. Bref, on avait affaire là à un jeu dense et bien ficelé. S’il y avait une chose qu’on pouvait reprocher à cet opus, c’était qu’il était un peu court. Pour les partisans de l’argument monétaire, TR procurait pour 50$ de jeu contre 70$ en espèces sonnantes et trébuchantes. Pas une bonne affaire.
Fast forward deux ans plus tard et les développeurs de RotTR décident de clore le bec des critiques en mettant le paquet pour vous assurer l’expérience de jeu la plus longue possible: un monde ouvert, des quêtes secondaires, des éléments de crafting, une boutique d’équipement, et j’en passe. Il en résulte un jeu beaucoup plus long qui offre encore plus d’activités. Voici un jeu qui en offre beaucoup à un joueur désireux bien investir ses quelques dollars de loisirs.
Remarquez bien mon copieux usage de l’italique dans le paragraphe précédent et sur quels mots il s’applique: « long », « plus », « beaucoup » – tous des termes qui servent à définir la quantité. Car c’est effectivement ce à quoi on a eu droit avec RotTR: une multiplication, un amoncellement des mêmes éléments répétés ad nauseam, donnant ainsi l’illusion d’un contenu plus généreux. Les maps sont plus grandes, mais elles manquent de relief. Les ennemis sont plus fréquents, mais ce sont les même qui reviennent tout au long du jeu. Les défis sont plus nombreux, mais ils sont essentiellement tous le même. Et les mécaniques qui ont été ajoutées? Superflues pour le coeur de ce qui fait le coeur du gameplay d’un TOMB RAIDER.
Le jeu n’a que gonflé, il ne s’est pas amplifié. Il s’agit tristement d’une version boostée aux stéroïdes de la mouture précédente, un simple accroissement de volume, sans aucun gain de force. Lara Croft se retrouve ainsi avec un jeu aussi rembourré que l’était son soutien-gorge dans ses incarnations précédentes.
Ceci dit, je comprends que ce n’est pas tout le monde qui a la chance de pouvoir s’offrir les nouveautés aussitôt qu’elles paraissent sur le marché. Pour la plupart des gameurs, acheter un jeu est un investissement important qui comporte une part de risque non moins négligeable, davantage encore depuis que notre dollar dégringolant a mené à une hausse des prix. Ainsi, l’interrogation qui s’impose au moment du choix du jeu est souvent: « Vais-je en avoir assez pour mon argent? Quel est celui qui va m’en offrir plus? »
Vous voulez mon avis? (Je vais supposer que oui si vous avez lu jusqu’ici.)
Cessez d’en demander plus pour votre argent et commencez à demander mieux. Parce que tant que vous vous contenterez de plus, les grands studios de développement continueront à sortir des jeux qui cherchent à vous occuper plutôt qu’à vous divertir.
Et, pour revenir à l’argument que je vous ai prêté au début de cet article, les jeux servent à s’amuser, non?